Les interrogatoires de mendiants / Reconstituer l’univers visuel des vêtements d’après les Archives

Les interrogatoires de mendiants, qui permettent aux autorités de recenser, contrôler et d’enfermer en prison quelques jours ou quelques années les vagabonds — de plus en plus nombreux au 18e siècle sur les routes, nous apportent un autre regard.

C’est une source très émouvante et attachante, car l’officier pose de nombreuses questions pour établir les raisons de la pauvreté et les circonstances qui conduisent à la mendicité.

Les populations précaires, que l’officier peine à identifier, dont l’origine géographique et les trajets de migrations varient, ne constituent pas un groupe stable. Contrairement aux paysans très sédentaires, le mendiant voyage, échange, est un intermédiaire culturel inclassable dans le paysage rural breton : des personnes pauvres issues de tout le grand ouest, qui ont pu mendier leurs vêtements, souvent décrits comme des guenilles.

Précisons que nous avons dépouillé quelques exemplaires de la juridiction d’Auray en 1770 mais que les mendiants viennent de partout : Dijon, Quimper, Le Faouët, Sarzeau…

La question la plus pertinente est donc de voir quels sont les éléments vestimentaires identifiés comme « bretons », « paysans », « artisans » par l’officier, qui rencontre des hommes et femmes de tous les âges et de régions variées.

« François Le Moigne, 70 ans, vêtu d’un habit de drap bleuâtre ou gris de fer, veste de berlinge, culotte de berlinge grise, bas de laine, le tout très mauvais [état (ndla)], en pièce et guenille, de mauvais souliers aux pieds, un mauvais chapeau de laine, sans profession, natif de la paroisse de Saint-Fiacre au Faouët ».

L’officier fait la différence naturellement entre les femmes travaillant à la ville, « Marie Julienne Thomas, 30 ans vêtue de guenilles à la mode des artisanes d’Hennebont », les populations paysannes « Guillaume Le Coz, 25 et 30 ans, vêtu de mauvaises hardes d’étoffes brunes à la mode des bas-bretons, des sabotiaux aux pieds, tenant à la main un chapeau de laine ». Il s’agit de bragou braz, identifiant pour l’officier l’origine rurale de leur propriétaire par opposition aux bragou berr, culottes que toute la France porte en 1770.

L’officier croise le chemin de « Nicole Fleury, veuve de 45 ans, vêtue d’une camisole de laine brune, de jupe de flanelle, d’un tablier de coton, marchande de légumes à Hennebont ».

Des groupes apparaissent clairement : les artisanes, les paysans rattachés à une paroisse d’origine et les mendiants du grand-ouest. Certains ont quitté leurs paroisses depuis quelques mois, d’autres depuis des années.


Citer cet article : Mouret S. (2018). Les interrogatoires de mendiants / Reconstituer l’univers visuel des vêtements d’après les Archives. Blog Culture(s) de Bretagne [en ligne]. Mise à jour le 22 septembre 2018. URL : https://www.bretagnes.fr/cultures-bretagne/les-interrogatoires-de-mendiants-reconstituer-l-univers-visuel-des-vetements-d-apres-les-archives

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