Vêtements bretons : un état de la Recherche

Les « costumes bretons » — c’est-à-dire les vêtements portés par le monde paysan jusqu’à la seconde guerre mondiale, les costumes dits « traditionnels » ou « scéniques » portés par les cercles — sont au cœur de l’identité bretonne, plus que jamais en ce début de 21e siècle où la mondialisation croissante nous questionne tous sur notre identité et nos racines.

De nombreux travaux recensent et décrivent depuis longtemps les coiffes, les vêtements et les modes des 19e et 20e siècles. Mais, jusqu’aux années 1980, les travaux universitaires sont très peu nombreux sur l’histoire des vêtements des paysans en Bretagne aux 17e et 18e siècles.

Jean FRÉLAUT, Repas de noce en Bretagne, 1908 [La Cohue, Musée des Beaux Arts de Vannes]

Existe-t-il une ou des spécificités vestimentaires bretonnes ?

Qu’est-ce qui distingue les vêtements paysans bretons du vestiaire du paysan du Perche ?

Le textile joue-t-il un rôle particulier dans la fortune mobilière des paysans et artisans en Bretagne ?

L’importance de la culture du lin et de l’industrie textile en Bretagne a été présentée dans les ouvrages de J. Tanguy, mais peu de travaux sont rentrés dans l’intimité des intérieurs paysans bretons.

Depuis R.-Y Creston — référence sur le costume du 19e et 20e siècle, « on » considère que les paysans bretons ne s’émancipent qu’après 1789 et la Révolution française de leur pauvreté relative (présentée comme une évidence par les écrivains des 19e et 20e siècles).

Le 19e siècle est le siècle de grandeur de la culture paysanne bretonne et rurale française. Cette idée, développée par les folkloristes du 19e siècle, puis par les historiens et anthropologues marxistes après 1945, marque notre vision de la culture paysanne bretonne.

Les cercles, travaillant sur des vêtements scéniques inspirés d’illustrateurs du 19e siècle, Lalaisse ou Charpentier, contribuent à populariser ces idées.

Des études ont été réalisées pour la Bretagne, dans la lignée des recherches de la fin du 20e siècle sur l’histoire matérielle et l’histoire du quotidien (La cultures des apparences, une histoire du vêtement au 18e siècle de D. Roche).

Le 17e siècle se traduit par une grande richesse paysanne, liée au travail du lin et aux échanges maritimes, comme en témoigne l’architecture des chapelles et églises paroissiales de cette période. Les sculptures polychromes, les sablières sculptées en bois aux couleurs et aux motifs surprenants d’originalité et d’humour (voir les travaux de S. Duhem), nous invitent à reconsidérer l’univers visuel et matériel des paysans bretons.

Un monde de couleurs vives ou de matières textiles variées reflète une société paysanne encore peu marquée par la contre-réforme catholique et ses couleurs morales, le noir, le gris, le bleu.

Détail du plan de la ville de Vannes, réalisé par J.C. de Robien, 1738

La thèse de M.-P. Sclippa nous propose la première vision d’ensemble sur les vêtements traditionnels bretons avant la Révolution. Une idée s’impose : le 18e siècle est déjà marqué par une grande diversité et une grande richesse de matières et de couleurs, des « modes » spécifiques existent déjà. Elle constate que l’identité vestimentaire bretonne est déjà marquée avant la Révolution.

Les travaux de M.-O. Gardais sur le Vannetais confirment cette première analyse.

Le travail des étudiants de J.P. Lethullier à Rennes sur les inventaires après décès des paysans ou artisans, ainsi que d’autres mémoires permettent de replacer l’importance du vêtement dans son univers matériel, celui du laboureur, du petit paysan en passant par l’artisane de Brest ou le marin.

Dans le cadre de mon travail de maîtrise et m’appuyant sur les travaux cités, j’ai concentré mes recherches sur les vêtements vannetais aux 17e et 18e siècles.

À nouveau, une idée s’impose : et si les modes que nous connaissons aux 19e et 20e siècles n’étaient qu’un appauvrissement en termes de couleurs et de matières ?

La richesse vestimentaire du groupe paroissial est à son apogée aux 17e et 18e siècles à travers une immense variété de couleurs, de formes, de matières et d’influences. Un territoire visuel encore non exploré par la recherche !

Ce paysage visuel se réduit sûrement sous l’influence de la Contre-réforme catholique, qui impose « le bien se vêtir » et « les couleurs morales », et décroît aussi avec la progression de l’individualisme et de l’exode rural.


Citer cet article : Mouret S. (2018). Vêtements bretons : un état de la Recherche. Blog Culture(s) de Bretagne [en ligne]. Mise à jour le 22 septembre 2018. URL : https://www.bretagnes.fr/vetements-bretons-un-etat-de-la-recherche

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